
Quarante jours ! Quarante, dans la Bible, c’est le chiffre d’un temps qui dure et qui passe à la fois, c’est le temps du passage. C’est long et c’est court, c’est comme la vie. Nous avons donc quarante jours de préparation à Pâques, un temps suffisamment long pour pouvoir vivre des renouvellements et des nouveaux départs, mais aussi suffisamment court pour nous apprendre à ne pas gaspiller ce temps qui passe et qui est si précieux.
Quarante jours, c’est comme un concentré de vie, un long parcours vers le présent de nos vies, là-même où Dieu nous attend. Quarante jours, le temps de découvrir jusqu’où l’éternelle fidélité de Dieu s’est caché dans la fugacité de ce temps, jusqu’où le poids d’éternité s’écrit dans l’éphémère histoire de l’homme.
Le temps de notre vie nous est donné pour retourner au Seigneur mais nous avons tout juste le temps de nous y employer ! Il nous est donné du temps au carême pour apprendre que c’est maintenant que ça se passe. Chaque jour, chaque instant est ce temps où nous sommes invités à nous retourner vers le Seigneur.
Pour le chrétien, ce temps qui passe et qui dure, c’est toujours celui de l’avènement de Jésus, de son événement sauveur, de l’émerveillement de sa présence, du bouleversement de son pardon, du renversement qu’il opère dans nos vies, du changement insoupçonné qu’il offre toujours à tout homme et à chaque instant.
Ce temps qui passe et qui dure, c’est le temps qui nous conduit vers la Pâque du Christ en laquelle est récapitulée, renouvelée, recréée toute la création. Le carême nous est donné pour sanctifier ce temps présent. Purifié, pardonné, transfiguré, l’homme passe alors dans ce qui ne passe pas, dans la vie même de Dieu, dans la vraie vie, la vie éternelle, dès à présent.
Une des dimensions essentielles du carême est de rendre notre vie personnelle plus attentive, plus vigilante, plus ouverte aux autres.
Quand l’autre passe avant le souci de moi-même, je deviens un disciple du Christ qui a donné sa vie pour nous, pour faire de nous des frères et des fils « d’en haut ». Lorsque le prochain passe avant mes propres projets, mes propres intérêts, mes propres préoccupations, c’est le Christ qui façonne ma vie selon le cœur du Père, qui élargit l’espace de ma tente et m’enracine dans son amitié fraternelle.
Nous savons tous que cela ne va pas de soi ! Nous savons combien nous tournons inlassablement et presque désespérément autour de nous-mêmes ! Et nous savons d’expérience que ce dépassement de nos égoïsmes plus ou moins obstinés, aux multiples facettes et aux replis inconnus, ne se fait pas sans la grâce de Dieu, sans le don de l’Esprit, sans l’expérience de l’amour du Christ livré pour notre vie. Mais chaque fois que se produit, aussi peu que ce soit, ce dépassement de soi et cet acte de vivante présence à l’autre, un avènement d’humanité heureuse se dessine, un chemin de paix et de liberté progresse dans les cœurs. Et, au-delà de nous-même, c’est une humanité réconciliée qui s’annonce dès à présent, par tous ceux qui s’engagent sur ce chemin.
Le temps du carême, avec ces trois piliers que sont le jeûne, la prière et le partage, se propose de repartir du Christ en passant par le prochain en qui le Christ fait toujours signe. Bon cheminement vers Pâques !