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« Du prix à mes yeux »
A la lumière du serment d’Hippocrate
Article mis en ligne le 15 mai 2025

par Mgr Luc MEYER, évêque de Rodez

Entre 2018 et 2021, j’ai eu la grâce d’accompagner comme secrétaire un synode diocésain dont le thème était tiré du Livre du Prophète Isaïe : « Tu as du prix à mes yeux. » (Is 43, 4).

Avec les équipes synodales et le secrétariat du synode, il nous a fallu du temps et de la sueur pour mesurer la profondeur de cette phrase d’Isaïe et nous laisser enseigner par elle. Il nous a fallu du temps pour présenter nos difficultés, nos joies et nos espérances au discernement de l’assemblée synodale. Les trois sessions de l’assemblée ont porté beaucoup de fruit, comme ici en Aveyron, et comme à Rome, à l’appel du Pape François.

Un jeune homme qui travaillait dans un magasin à étiqueter des produits a entendu cette phrase : « Tu as du prix à mes yeux. ». Elle l’a scandalisé. Non, ce n’était pas possible... Nous n’avons pas un prix aux yeux de Dieu. Dieu ne nous met quand même pas un code barre et un prix...

En effet, si nous avons du prix aux yeux de Dieu, ce ne peut être qu’un prix inestimable. C’est peut-être la raison pour laquelle le texte ne dit pas que nous avons UN prix mais que nous avons DU prix aux yeux de Dieu... Il a fallu s’expliquer et trouver des mots pour traduire tant bien que mal cette phrase magnifique. « Tu as du prix », c’est-à-dire : « Tu as de l’importance pour moi », « Tu comptes beaucoup à mes yeux », « Ce que tu vis me touche »...

La perspective actuelle d’une loi sur la fin de vie nous invite à nous rappeler que nous avons du prix aux yeux de Dieu, aux yeux des autres, à nos propres yeux. Si par malheur nous commencions à avoir un prix, ce serait une terrible défaite pour notre humanité, avec des conséquences incommensurables pour nos rapports sociaux et la confiance que l’on peut avoir jusqu’au bout les uns envers les autres.

Certes, les soins palliatifs ont un prix, beaucoup plus élevé que celui d’un produit létal que l’on injecte dans le sang d’un frère ou d’une sœur en humanité. Mais l’enjeu des soins palliatifs est de signifier ceci : « Tu as du prix à mes yeux. » Éviter que chacun finisse par penser qu’une fois que « son temps est fini », il vaut mieux désirer soi-même en finir.

Ouvrir la voie à l’euthanasie ou au suicide assisté est à notre sens un choix politique funeste : quelles que soient les limites introduites, elles seront sans cesse repoussées. Légiférer, introduire des seuils de tolérance, c’est franchir un interdit fondamental que le serment original d’Hippocrate avait si bien formulé : « J’utiliserai le régime pour l’utilité des malades, suivant mon pouvoir et mon jugement ; mais si c’est pour leur perte ou pour une injustice à leur égard, je jure d’y faire obstacle. Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion. De même, je ne remettrai pas non plus à une femme un pessaire abortif. » [1]
La foi chrétienne nous invitera toujours à porter sur les malades un regard qui les soutient dans leurs souffrances physiques et morales et leur permet de porter sur eux-mêmes ce regard bienveillant, qui les aide jusqu’au bout à s’accueillir comme un cadeau : « Oui, j’ai du prix à vos yeux. »

✠ Luc MEYER
Évêque de Rodez et Vabres